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Parures de Petitebijou

Publié depuis Overblog

18 Février 2013

Critique réalisée dans le cadre de « Masse critique ». Merci à Babelio et aux éditions dialogues.

Le genre de la nouvelle est un exercice passionnant, et bien courageux sont les auteurs qui s’y risquent, car c’est une écriture sans filet, où l’on prend tous les risques.

Christiane Frémont nous propose huit nouvelles brèves, d’environ quinze pages chacune, sur le thème de la ou des méprises, autrement dit quiproquos, faux-semblants, malentendus, des histoires où la perception du lecteur vacille peu à peu et perd ses repères.

J’ai trouvé une progression remarquable dans ces nouvelles, mais j’avoue avoir un peu peiné en lisant les trois premières, les trouvant bien écrites mais trop cérébrales. L’intention ludique y est perceptible, mais le style en est un peu ampoulé, les personnages manquant de chair, trop abstraits pour me séduire. L’exercice est convaincant, les premières lignes nous plongent sans détour dans le cœur de l’action, les personnages fixés en quelques traits, le ressort dramatique efficace, et le dénouement plus ou moins surprenant. Pourtant quelque chose ne fonctionne pas, parce que j’ai eu l’impression d’une certaine affectation dans la narration, pleine d’ellipses intelligentes plus qu’intelligibles : je ne suis pas contre une certaine forme d’absurde, j’aime ne pas tout savoir de l’histoire et laisser mon imagination combler les blancs, mais je n’aime pas quand cela devient trop artificiel, lorsque je sens le procédé, et que l’auteur semble me dire d’une façon trop appuyée et cérébrale que je ne peux pas comprendre.

A partir de la quatrième nouvelle, «L’assassin », ma lecture est devenue plus agréable.

Peu à peu, et c’est ici que le livre est vraiment réussi, l’atmosphère se teinte de fantastique, imperceptiblement. Le contexte de chaque nouvelle est plus affiné, resserré, et j’ai été embarquée, oubliant mes réticences premières. On songe à des réminiscences du « Horla » de Maupassant, au « Portrait de Dorian Gray ». La réalité glisse vers l’inconnu, le lecteur traverse le miroir, l’inconscient affleure… L’auteur gagne en simplicité et paradoxalement le mystère s’épaissit.

Enfin, la dernière nouvelle, « Le bébé », vaut à elle seule que l’on lise ce livre. Nous sommes dans la science-fiction, du côté de « Je suis une légende » de Richard Matheson. Par ailleurs, le fait que le thème abordé s’inscrive dans une problématique très actuelle, disons sans révéler le sujet autour du thème de la conception de la « famille » et nous propose une vision du débat distanciée puisque l’action se passe après 2050, fait de cette nouvelle un petit chef-d’œuvre d’imagination et de pertinence. L’auteur a le courage de prendre parti sans détour, et on peut être plus ou moins d’accord avec son point de vue, elle a le grand mérite de nous faire réfléchir intelligemment.

Le livre se termine donc sur une interrogation sur l’avenir de l’humanité, sans emphase, par le biais d’une fiction prenante, cruelle, angoissante, où chacun reconnaîtra ses peurs.

« Méprises » est au bout du compte un recueil d’une grande originalité et très bien écrit, avec la petite restriction que l’intérêt des nouvelles est fortement inégal, et que l’auteur ne trouve un réel souffle qu’en deuxième moitié de l’œuvre. Mais l’œuvre de Christiane Frémont mérite amplement le détour.

Méprises - Christiane Frémont (Nouvelles)

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